Samedi 8 février 2025

CHF 150 | 110 | 50 | 30.-

Renaud Capuçon, violon
Gautier Capuçon, violoncelle
Guillaume Bellom, piano
Arthur Hinnewinkel, piano
Anna Agafia, violon
Paul Zientara, alto

Carte blanche à Renaud Capuçon et Gautier Capuçon

Sous le patronage de

Présentation de concert

Brahms
Sonate pour violon et piano n°3 en ré mineur op. 108
En 1888, Brahms a cinquante-cinq ans et croule sous les honneurs. Vénéré comme soliste, chef d’orchestre et compositeur, il n’a rien à prouver, et s’ennuie au point d’avouer : « Je préfère penser à une belle mélodie que recevoir l’ordre de Léopold. » Sur les photos, avec son auguste barbe blanche, il a déjà l’air d’un vieillard. On peut ainsi imaginer que face au céleste lac de Thoune où il passe son été, notre monstre sacré se tourne avec nostalgie vers l’élan créatif de ses premières années. Dès l’attaque de l’Allegro, deux sonates s’esquissent en parallèle : l’une poétique et sentimentale, campée par le violon, l’autre menaçante et fatale, tissée par le clavier. Et l’impression persiste en avançant : malgré des thèmes embrasés de chaque « côté », c’est davantage un magma qu’un dialogue, que sculpte Brahms. Contrepoint absolu : même la main gauche et la main droite du pianiste s’émancipent l’une de l’autre. Et pourtant il ressort de ce magma disloqué une unité, une richesse de couleurs confinant au miracle. Le mouvement lent déjoue lui aussi les archétypes de la sonate. Intimidé par les sanglots de l’instrument à cordes, le piano fait d’abord office de filet de sécurité placé sous un funambule. Mais aussi dangereuse soit sa voltige, l’acrobate atteint l’autre rive – autorisant son acolyte, l’espace d’un soupir, à exposer son visage. Jusqu’à la résurrection mélancolique de la cavatine primitive ; enrichie du poids de l’existence. On reprendra du poil de la bête dans le troisième mouvement, à la faveur d’une valse slave, menée cette fois par le clavier. Mais une danse bien étrange, qui inspira à Clara Schumann l’image d’une jolie fille jouant avec son amant. Les pizzicati sont-ils des caresses ? Flotte une espièglerie à mi-chemin entre l’adulte et l’enfance. Le finale refuse d’aller dormir. Avec ses accents de tarentelle, ses envolées virtuoses, Brahms conclut qu’est jeune, et le reste, celui qui s’en donne les moyens. Alors, vive les excès !

Danses hongroises, extraits : danses n° 2, n° 4 et n°6
Humilité suprême : les Danses hongroises de Brahms ne présentent aucun numéro d’opus. Le musicien estimant qu’il n’en était guère l’auteur, et s’était contenté de transposer (pour quatre mains au piano, d’autres même pour orchestre) ses airs tziganes favoris du folklore hongrois. Écrites sur plus de dix ans, ces pièces célèbres magnifient l’essence de la musique slave – de ses tempos aux vitesses désordonnées et vertigineuses, à son lyrisme d’une portée universelle.

Quatuor pour piano et cordes n°1 op. 25
Retour en arrière : Brahms a vingt ans lorsqu’il commence ce Quatuor, dont la gestation sera longue puisqu’il sera présenté pour la première fois en 1861 à Hambourg. La figure tutélaire de Beethoven était-elle sclérosante ? L’artiste eut besoin de se rassurer en envoyant sa partition à son ami le violoniste hongrois Joseph Joachim, qui fut enthousiaste, excepté quelques critiques formelles sur le premier mouvement ; dont Brahms ne tint pas compte. Car si la musique de chambre reste un domaine codifié, il s’agit ici d’exprimer l’énergie d’une jeunesse affranchie de tous canons. On jurerait que l’auteur lâche dans son Allegro une infinité de motifs : un puzzle éparpillé ! Avant de s’ingénier à assembler ces pièces. D’une densité cannibale, son écriture se nourrit de ses propres références, avale et recrache ses variations. On n’avait jamais entendu cela avant Brahms. Plus introspectif, l’Intermezzo fait résonner au violon le « thème de Clara » (hérité de son bien-aimé Schumann), la première interprète au piano de l’œuvre. Les élastiques du premier mouvement sont distendus : tout flotte soudain, mais d’un inquiet flottement. Suit un Andante dont l’ampleur rêveuse convoque l’idée d’un orchestre. Mais de manière générale, tout ce Quatuor s’attache à conquérir un espace sonore plus vaste que les quatre instruments de sa formation. Le tout est supérieur à la somme des parties. Quant à l’ampleur rêveuse, la voici traversée de pas quasi militaires : rien n’est jamais acquis chez Brahms. Passant pour le sommet de cette partition, le Rondo alla zingareze (dans un style gitan) qui la clôt nous projette tout de go dans une course folle. Déclaration d’amour au verbunk, une danse hongroise, il acheva sans doute, dans sa logique si décomposée, de convaincre Schönberg d’orchestrer ce Quatuor ; qui institua Brahms comme le maître de la musique romantique de chambre.

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