Mercredi 5 février 2025

CHF 50 | 30.-

F. Schubert
Sonate pour violon et piano en la mineur, D. 385

W. A. Mozart
Sonate pour violon en si bémol majeur K 454

F. Schubert
Sonate en la majeur, D. 574, « Duo »

Sous le patronage de

Présentation de concert

Poire, chocolat – vin, fromage : il existe en cuisine des accords évidents. La rencontre du piano et du violon produit aussi un accord naturel. Comme si ces instruments quasi contraires avaient été conçus pour se côtoyer. Au XVIIIe, le grand représentant de ce divin mariage porte le nom de Mozart, suivi par Beethoven. Dans le corpus schubertien, en revanche, seules quatre sonates rassemblent le piano et le violon ; deux étant interprétées ce soir. L’obsession lyrique du jeune Franz, qu’il s’agisse de la voix humaine ou de celle d’un instrument, en est-elle la cause ? Il est captivant d’écouter ces œuvres en se posant une question aussi technique que philosophique : le piano et le violon, chez Schubert, fusionnent-ils à la manière du mythe d’Aristophane, ou est-ce plutôt le clavier qui « accompagne » l’archet dans son récital ?

Schubert – Sonate pour violon et piano en la mineur, D. 385
Fin 1816 : à dix-neuf ans, Schubert a déjà livré certains de ses lieder emblématiques ; comme Le Roi des Aulnes. Cette partition fait partie d’un trio de sonates écrites à la même période, et passe pour la plus remarquable des trois. Dès les mesures initiales, la musique expose un parfait équilibre entre Schubert… et Mozart. À la main gauche, un balancement anxieux typique du Viennois. À la main droite, ces entrechats célestes typiques du Salzbourgeois. Chez Mozart, la détresse est un orage que balaie le retour du soleil. Chez Schubert, elle envahit la feuille. Mais chez l’un comme l’autre, la grâce du chant prime toute démonstration de brio. Piano et violon marchent côte à côte, mais avec des pas distincts. Lied sans paroles, l’Andante qui arrive donne le sentiment que nos protagonistes couchent un enfant. Si l’un peint les papillons et les oiseaux, l’autre esquisse un tendre horizon pastoral. Le Menuetto impose d’emblée une étrange teinte. Violon et piano toupillent sur la place d’un village irréel. L’Allegro final fait migrer l’œuvre, en un éclair, de la félicité du XVIIIe au nébuleux XIXe siècle. Sur la vague d’un contrepoint, s’achève cet ultime mouvement, imbibé de teintes fluctuantes. Cette sonate et ses deux sœurs furent éditées vingt ans après leur écriture, à titre posthume, sous le titre limitatif de Sonatines, du fait de leur apparente simplicité. La simplicité n’est-elle pas pourtant l’art suprême ?

Mozart – Sonate pour violon en si bémol majeur, K 454
L’histoire de cette partition est romanesque, comme toujours chez Mozart. Créée à la demande de la violoniste Regina Strinasacchi, elle est révélée lors d’un concert à Vienne en présence de Joseph II. L’Empereur, relate-t-on, sembla d’abord perplexe, puis ébahi : le compositeur, assis au piano, joua en effet sa partie de mémoire, n’ayant pas eu le temps de la rédiger. L’anecdote, qui paraît une légende, est confirmée par un détail : sur le manuscrit autographe de la partition, des encres de deux couleurs fixent les notes du clavier et du violon. S’ouvrant sur un magistral prélude, le premier mouvement libère un Allegro d’un équilibre cristallin – qui fit déclarer à Alfred Einstein que « jamais l’histoire de la musique ne connut aussi parfaite alternance entre violon et piano ». Le sommet de la pièce se révèle dans l’Andante. Aussi éperdument mozartien que romantique par anticipation, nous passons par tout le spectre des émotions. Les solistes se répartissent un génie commun. On s’amuse dans le Rondo conclusif, mais la mélancolie plane au-dessus des brumes lointaines. Ce finale contient, à tout le moins, un million d’idées.

Schubert – Sonate en la majeur, D. 574, « Duo »
Écrite au moment des « Sonatines », publiée tardivement en 1851, cette pièce reçut le titre de « Duo », son ambition étant jugée supérieure. Sa difficulté l’est, en tout cas. Et l’assemblage des instruments donne lieu, c’est vrai, à un véritable duo. Le piano affirme dès l’introduction une indubitable personnalité, s’introduisant tel un animal de Saint-Saëns. Et le tragique mozartien, bien vite, d’être troqué contre le mal du siècle de Schubert : l’inquiétude. C’est plus superficiel mais c’est plus obsédant. Le Scherzo qui éclot paraît crier à Mozart : « À présent, Beethoven ! » Les tonalités s’y nouent dans un exquis crépuscule. L’Andantino a quelque chose d’un opéra bouffe. Les fantômes de Pamina et Tamino s’y promènent. Une profusion de choses à voir et à entendre – tant du point de vue technique que lyrique. Le Finale s’est affranchi des influences tutélaires de Mozart et Beethoven : terriblement viennois, il inaugure un territoire définitif.

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