Mercredi 1 Février 2023

CHF 50 | 30.-

19:30 Eglise de Rougemont

A. Vivaldi
Sonate en sol mineur op. 1 n° 1; Sonate pour violoncelle en mi mineur n° 5

G. B. Reali
Sinfonie IV (Sonate) en ré majeur; Sonate VIII

M. Uccellini
La Bergamasca

G. B. Reali
La Follia; Sonate pour violon en la mineur op. 2 n°1

Bach / Marcello
Andante – 1er mouvement du Concerto pour hautbois en ré mineur, d’après le Concerto BWV 974 de J.S. Bach

A. Vivald
 La Follia

Sous le patronage de

Présentation de concert

L’Italie au début du XVIII° siècle, plus spécialement Venise, sont des creusets dans lesquels la musique instrumentale mue, par le truchement de mille expérimentations qui vont conquérir l’Europe. Et s’il fallait désigner le talisman des musiciens-sorciers à l’œuvre, ce serait sans aucun doute le violon ; ce double de la voix humaine dont Vivaldi fut un fameux virtuose. Mais le présent concert rend en outre hommage à son compatriote et quasi jumeau, aussi fin violoniste que lui, Giovanni B. Reali, avec qui il partageait une admiration sans borne pour leur céleste prédécesseur, Arcangelo Corelli.

 Vivaldi
Sonate en sol mineur op.1 n° 1 – Sonate pour violoncelle en mi mineur n° 5
Le propre des inventeurs est de défaire leurs propres inventions : quoique Vivaldi fût le père de la sonate en trio, il en bouscule vite l’équilibre, mêlant à sa structure des titres de danse, ici une Allemande, ou encore une Gavotte. Mais au-delà des questions techniques, dès l’incipit, on est saisi par la pureté de voix autonomes tressées entre elles comme des filets de cristal. Par la grâce du clavecin, l’Adagio de la première Sonate révèle en flocons la magie de tels entrelacs. Quant aux deux violons, ils se pourchassent et dialoguent en abeilles, fuguant d’une fleur, d’une mélodie à l’autre. Pause. En toute intimité, une grâce corellienne se propage dans la pièce pour violoncelle qui suit. Le feu chauffe chaque mesure du Largoavec une flamboyance rare. L’on percevra dans la fougue de l’Allegro des consonnances avec les Suites pour violoncellede Bach, conçues à la même époque. L’œuvre s’achève sur deux mouvements où le clavier, loin de se limiter à compléter l’harmonie, y prend part en complice merveilleux.

Giovanni Battista Reali
Sinfonia IV (Sonate) en ré majeur – Sonate VIII
Puis la voix de Reali – d’entrée plus discrète mais non moins expressive. Comme une photo aux teintes plus pâles, plus vaporeuses en regard des pages de Vivaldi. Le clavecin en particulier s’y détache, prenant les rênes d’une marche solennelle. Suspendus à ses lèvres, les deux violons se blottissent l’un contre l’autre dans les segments les plus éthérés. Mais la vivacité sera aussi au rendez-vous, à travers d’incroyables duels sonores aux accents universels, menant presque du côté du folklore irlandais. Ne parlions-nous pas de conquérir l’Europe ? Une même espièglerie guidera les interprètes dans la Sonate VIII, où de longs silences intriguent soudain, en rappel du caractère expérimental, hyper-créatif de ce moment baroque.

 Uccellini
Aria sopra la Bergamasca
Un demi-siècle plus tôt, Uccellini explorait déjà les possibilités de son instrument fétiche, le violon. Et s’amusait comme un chimiste dans son labo : la naïveté feinte de la basse obstinée, dans sa Bergamasca, inaugure un dialogue perpétuel qui n’est pas sans évoquer les tentatives d’un Pierre Henry aux grandes heures de l’Ircam. Bien avant la palette électronique, grâce à la diminution – technique permettant de varier un motif à l’infini en monnayant son rythme original en des valeurs de plus en plus « diminuées » –, il produit un effet de transe sans âge.

Reali
La Follia – Sonate pour violon en la mineur op. 2 n°1

Bach / Marcello
Andante du Concerto pour hautbois en ré mineur, d’après le Concerto BWV 974 de Bach

Vivaldi
La Follia
Mais le parallèle entre nos deux Vénitiens, Vivaldi et Reali, trouve son point d’orgue dans la confrontation de leurs Follia, deux sonates dressées sur une même base obstinée et un proche thème initial, qui se révèle bientôt le prétexte à une kyrielle de déploiements ébouriffants… La Follia était alors un genre en vogue issu du répertoire populaire ibérique, qui tendait à intégrer les rangs de la musique « sérieuse ». De fait, entre leurs deux gestes, des nuances se révèlent : si Vivaldi détricote son thème initial, glissant en savant fou vers des mondes nouveaux, Reali fait montre d’une approche plus classique. Au lieu d’effilocher ses motifs sur un mode mystique, il choisit de les nouer de toutes les manières, composant de virtuoses frises aussi bien que de désarmantes stases, où le temps se fige. Mais d’une partition à l’autre, ces deux foliesoffrent surtout la joie de savourer l’extrême osmose qui naquit à cet instant de l’histoire musicale entre le (ou les) violons, le violoncelle, et les cordes pincées du clavecin. Sans omettre en rappel cet adage aux jeunes artistes : la limitation des moyens peut s’avérer inversement proportionnelle à l’inventivité du résultat… Au demeurant, chez Vivaldi comme Reali, nous subjugue la variété des trouvailles ciselées à partir seulement d’une écriture à trois voix.

Et entre ces deux Follia, une autre stase, via la transcription pour clavecin seul que livra Bach autour de 1708 du Concerto pour hautbois et cordes en ré mineur de Marcello. Comme pour ne pas oublier que le clavecin, par-delà l’appui fondamental qu’il propose aux cordes, possède aussi sa voix propre, chantante – polymorphe. Humour du hasard : cette pièce fut longtemps attribuée par erreur… à Vivaldi.

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